En 1941, un ingénieur suisse, Georges de Mestral, observe combien il est difficile de retirer les fleurs de bardane des vêtements et des fourrures des animaux, en raison de minuscules crochets : le Velcro est né. Au Japon, un ingénieur, passionné d’ornithologie, conçoit le nez du Shinkansen, le train à grande vitesse nippon, en remarquant comment le martin-pêcheur passe très rapidement d’un milieu peu dense, l’air, à un milieu plus dense, l’eau, avec un minimum de vibrations. Résultat, le profilage bio-inspiré de la motrice a permis une réduction de 15 % de la consommation électrique et une augmentation de la vitesse de 10 %. Les exemples sont légion. L’aigle des steppes a offert à l’aéronautique ses ailes qui ont inspiré les ailettes quasi verticales placées aux extrémités de la voilure des avions ; l’araignée, la solidité sans égal de son fil pour concevoir des gilets pare-balles. « La nature fait de la recherche & développement depuis trois millions d’années », résume Idriss Aberkane. Ce chercheur à Polytechnique, professeur à Centrale Supélec et spécialiste du biomimétisme cite volontiers l’exemple de la crevette-mante, appelée aussi squille, dont le corps allongé peut atteindre près de 20 cm. Ce petit crustacé de l’ordre des stomatopodes est un tueur. Avec ses pattes ravisseuses (comme une mante religieuse d’où son nom), il possède une puissance de frappe équivalente à celle d’une balle de 22 long rifle, soit quelque 102 km/seconde, lui permettant de briser des carapaces de crabes et des coquilles. L’incroyable crevette-mante. « Cette crevette peut casser les parois d’un aquarium blindé et sa vitesse de frappe produit un flash de chaleur et de lumière, des étincelles sous l’eau, dégageant une chaleur équivalente à celle mesurée à la surface du soleil, détaille M. Aberkane. Quand la crevette frappe avec ses “marteaux”, cela forme une bulle d’air explosive permettant cette vitesse extrême, un phénomène appelé supercavitation. » Cette fonction remarquable a été étudiée de près, notamment par les militaires. Les Russes ont ainsi produit, grâce à cette propriété de supercavitation, un modèle de torpille pouvant filer à 370 km/h (contre 190 km/h maximum pour une torpille traditionnelle), la Chkval. Mais la crevette-mante possède aussi d’autres propriétés extraordinaires, notamment grâce à ses yeux. Bougeant indépendamment, ils offrent au crustacé une vision à 360° et, surtout, possèdent une douzaine de photopigments (contre trois pour l’œil humain, deux pour le chien) leur permettant de distinguer un nombre plus important de couleurs, de détecter la lumière fluorescente, ultraviolette ou encore, grâce à trois pseudo-pupilles, de trianguler l’objet visualisé. Les Américains s’en sont servis pour concevoir une caméra détectant les cellules cancéreuses dans les biopsies. Le biologiste Gilles Bœuf aime, lui, à citer « la libellule qui, avec quelques watts seulement, peut voler à presque 100 km/h et ce depuis des millions d’années ». http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/09/10/la-crevette-la-libellule-et-l-araignee-au-secours-de-l-economie-francaise_4751949_3244.html